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Un an plus tard, où en suis-je et qu'est-ce que j'en tire?


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Le 1er juin, il y a donc exactement un an aujourd’hui, sortez les flûtes et vos grandes voix, on va chanter bonne fête!



Officiellement, j’apprenais donc le 1er juin 2021 que j’ai un cancer qui s’appelle myélome multiple, cancer du sang qui s’attaque aux os et qui explique donc pourquoi mon humérus s’est fracturé de la façon la plus stupide.



Que s’est-il passé depuis? Où en suis-je?


À la fin novembre, je suis entré à l’hôpital pour une autogreffe de cellules souches. Pour que cette intervention soit efficace, il est nécessaire de « shutdown » le système immunitaire avec une grosse dose de chimiothérapie, qui se fait au jour 1 de l’hospitalisation, alors que la greffe se fait au jour 3. Ça prend plusieurs jours avant que les effets secondaires de la chimio et de la greffe se dévoilent. L’attente de ces effets, les soins reliés et le fait que le système immunitaire soit à terre fait en sorte que l’hospitalisation dure généralement 3 semaines pour rester dans un environnement sécuritaire.


Je n’ai rien ressenti durant la chimio. La seule chose que j’ai ressenti durant la greffe, c’est un genre de bogue du cerveau. Je sentais que ça « frissonnait » en réaction à la réception d’un concentré de mon sang. C’est dur à expliquer, mais c’était inconfortable, mais vraiment sur une courte durée (30-60 secondes environ). J’ai eu 3 épisodes de ça durant l’intervention qui a duré à peu près 30 minutes, donc c’est vraiment pas grand-chose. Donc ce sont vraiment les effets secondaires qui sont désagréables. On y revient après un petit intermède anecdotique se déroulant lors de la greffe.


L’infirmière me demande si je veux mettre de la musique. Sur le coup, je refuse, en me disant que ça me déconcentrerait des trucs de respiration qu’on m’avait donnés à faire et que ça pourrait nous empêcher de bien nous entendre. L’infirmière me demande si je suis certain de ne pas vouloir, avec un ton bienveillant qui sonnait « tsé, ça serait une bonne idée ». Je n’avais jamais vu cette infirmière avant, mais dès ses premiers mots en installant son matériel, j’ai eu un bon feeling à son propos. Donc je lui ai dit « ok, on va mettre mon album des Cowboys Fringants, il est déjà dans le lecteur CD ». C’était vraiment une bonne idée, ça m’a beaucoup aidé à relaxer et à créer un lien avec elle. Elle est arrivée au Québec il y a 2 ans de la Colombie (si je me souviens bien) et elle ne connaissait pas les Cowboys. Le lendemain, je lui donnais une liste de 15-20 chansons à découvrir, provenant de tous leurs albums. Merci Laura, voici celle qui t’a donné envie de bouger!



Les jours passent et ça va plutôt bien. Je suis surpris positivement par la qualité et l’humanité de l’ensemble du staff. Je bouge pas beaucoup car je suis branché en permanence au poteau des intraveineuses, par où sont passées la chimio, les cellules souches et tous mes autres médicaments, grâce à une ligne centrale qui a été installée dans mon bras dès mon admission.


Jour 7 ou 8 : Ouh là, ça commence! À mon arrivée le premier jour, la pharmacienne m’avait détaillé tous les effets secondaires possibles en me disant que c’est rare que les gens aient tous les symptômes. J’ai pas revérifié sa liste, mais pas mal sûr que j’ai tout eu! Vomissements, nausées, maux de ventre, maux de tête, douleurs aux articulations, fièvre, diarrhée, fatigue, et sûrement d’autres que j’oublie. Ça a été une semaine horrible. J’avais de la misère à manger, par peur de vomir, mais aussi parce que ça faisait mal dans la bouche et dans l’œsophage, comme si le tuyau était plus étroit que d’habitude. Une chance que la nutritionniste m’a prescrit des breuvages Boost pour me donner un peu plus de nutriments. J’ai été surpris d’avoir accès à autant de spécialistes de domaines différents. Vive le spital!


Au début de la 3e semaine, la plupart des effets secondaires se sont estompés. Les médecins ont un critère important qu’ils suivent quotidiennement, afin de savoir quand donner congé au patient : le degré de globules blancs, globules rouges et plaquettes qui se trouvent dans le sang. En début de 3e semaine, tous ces éléments étaient revenus à la normale. Mais subsistait encore une fièvre dont ils ne trouvaient pas la provenance après différents tests. Fièvre = infection = Séb peut pas rentrer à maison parce que ça peut empirer les choses. Ça a donc retardé mon départ de l’hôpital, mais au final, je suis resté 19 jours, donc moins de 3 semaines.


Anecdote illustrant mon état à ce moment-là : le lendemain de mon retour à la maison, mes parents, qui ont été tellement présents et aidants depuis un an, gloire à eux, sont venus pour voir comment j’allais et m’aider avec le lavage, la vaisselle et autres trucs du quotidien. On a décidé d’aller prendre une petite marche parce que prendre de l’air, c’est bien. Et là, je vais citer mon amie auteure-compositrice-interprète Leela, de son charmant album Fragments :


On a marché tout en haut de la montagne

Jusqu’à laisser nos têtes se vider

Jusqu’à laisser les peurs nous quitter



J’ai vraiment senti que la marche était une montagne! Pourtant, on a juste fait le tour du bloc, à peine 10 minutes. Et j’étais essoufflé, épuisé.


Ça a pris plusieurs semaines avant que je retrouve un niveau d’énergie qui a de l’allure. Mais c’est revenu! J’ai pu célébrer le temps des Fêtes, très modestement, mais quand même.


Fast forward jusqu’à la mi-fin février, alors que mon oncologue m’a annoncé que la greffe avait bien fonctionné et que 3 options s’offraient à moi pour la suite des choses :

- Une seconde autogreffe

- Une allogreffe (une greffe de cellules souches d’un donneur externe compatible)

- Des médicaments de type chimiothérapie pour faire un traitement de maintien


Cette dernière option, essentiellement, c’est de prendre les 2 mêmes médicaments principaux que je prenais avant la première greffe, mais en plus petites doses. Ça consolide l’ensemble des traitements.


Une seconde autogreffe repousse encore plus la future rechute et améliore ma qualité de vie au quotidien.


Une allogreffe offre un % de chances de guérison quasi complète de la maladie, mais vient aussi avec un % de risques de décès non négligeable.


L’allogreffe m’a longtemps fait peur. Ça me tente pas de crever. (J’en parle plus loin dans ce texte.) Mais j’ai fini par me dire que je voulais aller vers cette option, car mon risque de décès personnel, en raison de mon jeune âge notamment, est quand même pas mal plus faible que la moyenne. J’étais rendu prêt à prendre le risque lorsque j’ai appris que l’hôpital n’arrivait pas à trouver de donneur et que time was ticking out.



Pour qu’une telle intervention soit efficace au maximum, il faut la faire 3-4 mois après une autogreffe. Alors, tant pis, pas d’allogreffe. En plus, pas mal au même moment, on me disait qu’une place allait pouvoir très bientôt se libérer pour moi pour la deuxième autogreffe. C’était définitivement mon 2e choix. Oui, ça a été désagréable une semaine et ça a pris du temps m’en remettre, mais somme toute, c’était évident dans ma tête que je voulais repousser au maximum la rechute de la maladie. Et c’était possible de déplacer l’option du traitement de maintien après la 2e autogreffe. No brainer.


Alors je suis entré au début du mois de mars. Et wow, ça s’est passé comme un charme! J’ai eu une plus petite dose de chimio, parce que, forcément, mon système était déjà faible. Je suis resté hospitalisé encore moins longtemps que la première fois et les effets secondaires ont été vraiment moins pires. J’ai pu prendre des marches régulièrement, même dehors autour de l’hôpital. Puisque j’étais capable de prendre mes médicaments par la bouche, alors je n’étais pas accroché en permanence au poteau d’intraveineuses. Rester actif durant l’hospitalisation a clairement contribué à ce que mon retour à la maison se fasse plus facilement. Rapidement, j’ai été capable de prendre des marches de 30 minutes sans être épuisé. Ça m’a surpris de reprendre le rythme aussi facilement, comparativement à la première fois.


Avec l’arrivée du printemps, j’ai pu recommencer à faire plus d’activités, à voir plus de gens et à me déplacer davantage. C’est peut-être pour ça que des gens m’ont dit que j’étais plus beau qu’avant? C’est l’fun d'être capable d'être plus actif, de revoir plus de gens après tout ce temps et toutes ces épreuves! C’est clair que c’est ce qui me manquait le plus.


Juste dans le dernier mois, j’ai été à la fête de proches (incluant ma propre fête!), à la Place Bell voir le Rocket massacrer les amaricains, au Jardin botanique, au party célébrant le 50e anniversaire de mon département d’études, cueillir des tulipes, pisser dans un buisson de parc après avoir lamentablement perdu à Uno, chercher des clés en revenant de l’aéroport, confirmer que je gardais mon poste à job après plusieurs tergiversations, acheter plein de livres usagés, toucher mon trophée de gagnant de pool de hockey, rire des Maple Leafs qui ont encore choké en séries (hahahahaha je la ris encore), oublier de redonner un Tupperware suite à un quiz impromptu, manger de l’indien fucking épicé, manger un blizzard au Dairy Queen, manger un sorbet à la mangue du Meu Meu, manger des hot-dogs dans des pains pas cuits, manger des bâtonnets de fromage à côté de chez Judith Lussier, manger un sandwich en jasant des avantages et inconvénients d’Oxio, manger du libanais en attendant que mon garagiste installe mes pneus d’été, manger un gros steak à côté d’un spa, manger du baba ghannouj en dégustant de doux breuvages, pis je m’excuse si j’oublie des affaires!


Dernière chose vraiment importante dans le dernier mois… Hier, je suis allé au spital revoir mon oncologue, ça faisait longtemps, coucou madame! Elle m’a donné de bonnes nouvelles pour célébrer le 1 an de cette épopée. Il n’y a plus de myélome dans mon sang, la deuxième autogreffe a bien fonctionné et on peut commencer sous peu le traitement de maintien. La vie « normale », c’est presque pour bientôt! J’ai peur du mot que je vais utiliser, parce que c’est bizarre à dire considérant qu’on sait que la maladie va revenir, mais on peut dire que je suis en rémission, du moins en rémission partielle. En plus, ma super oncologue m’a dit qu’actuellement, des recherches médicales se font et sont encourageantes à propos d’une nouvelle façon de traiter le myélome multiple. Qui sait si je pourrai suivre ce traitement lors de ma rechute et peut-être guérir complétement à ce moment-là? On sait pas, c’est encore au stade d’hypothèse, mais ça donne de l’espoir, et ça, c’est pas rien.


Qu’est-ce qui s’en vient pour moi et qu’est-ce que je tire de cette épreuve?


Tout ça fait en sorte qu’aujourd’hui, je peux dire que le seul soutien dont j’ai besoin, c’est de m’aider à retrouver cette normalité en faisant des sorties et en voyant du monde chouette! Ça fait du bien de retrouver mon autonomie. On m’a d’ailleurs fait remarquer que je pouvais être mal à l’aise et timide de demander de l’aide. C’est vrai, j’apprécie mon indépendance, je préfère me débrouiller par moi-même. Ceci dit, ça m’empêche pas d’être hyper reconnaissant de toute la mobilisation qui s’est faite pour moi. J’ai pas eu le choix de m’améliorer sur cet aspect dans la dernière année et c’est un bon apprentissage à peaufiner pour la suite de ma vie.


Je reviens au soutien et à l’idée de faire plus de sorties. C’est pour ça que j’ai lancé le concept de date culturelle, dont tous les détails de l’idée se trouvent ici, si vous avez pas déjà vu mon post d’il y a quelques jours. Qui veut embarquer?



Pour vous partager mes réflexions plus profondes sur la maladie, la mort et autres sujets joyeux, je m’inspire de ce fantastique article.


Deux cancéreux qui se parlent, ça se comprend tout de suite (le journaliste Tardif a traversé la maladie à l’adolescence, alors que l’autrice Dawson est dedans actuellement) et ça donne un texte très sensible sans rien enjoliver. Tous les propos de Caroline sur le cancer, je les pense profondément. Les passages en italique dans les prochains paragraphes proviennent de cet article et me permettent de répondre à quelques questions qui m’ont été posées.


Je suis privilégié et chanceux, je suis magnifiquement entouré, que ce soit par le personnel de l’hôpital ou par ma famille et mes ami.e.s. Je ne manque de rien, je ne dois pas débourser des montants incroyables pour mes traitements, j’ai encore une grande partie de mon salaire qui rentre et mon emploi m’attend patiemment. Tout ça est fondamental pour diminuer mon stress face à la maladie et je suis certain que ça collabore à la force et la capacité que j’ai d’affronter l’épreuve. Je peux me concentrer à faire uniquement ce que les médecins me prescrivent. J’ai rien d’autre à gérer. C’est un luxe immense. J’ai une grande reconnaissance envers tous les gens qui se mobilisent pour m’aider à guérir, à traverser le quotidien avec le moins de souffrances possibles, à gérer mon énergie et à me transmettre leur amour. Je pense qu’elle est là, notre vraie nature. On aurait pu m’abandonner. Si j’avais été seul devant cette épreuve, j’aurais probablement abandonné. Ou du moins, j’aurais eu énormément plus de stress et de difficulté à traverser la souffrance qui vient forcément avec le cancer.


Sans constamment m’exprimer sur le sujet de ma maladie, je me dis que tant qu’à le faire, je préfère la franchise aux formules contournées. J’ai le cancer, je vais mourir de ça un jour, je ne sais pas quand. Selon moi, ça servirait à rien d’éviter le sujet et de dire des trucs du genre « ben oui, je vais m’en sortir ». C’est correct d’être positif, et je le suis, je crois que je peux guérir, mais la vraie réalité, c’est que je le sais pas. La réalité est chiante, certes, mais honnêtement, le diagnostic m’a soulagé quand même beaucoup. Ça m’a permis de mettre des mots sur comment je me sentais depuis des mois et d’être pris en charge pour que mes problèmes soient traités au mieux des possibilités médicales actuelles. C’est aussi ce qui me permet d’être positif. Mais positif réaliste. Pas positif bonasse. Ça me gosse quand on ne regarde pas la réalité en face.


Actuellement, comme pour Caroline Dawson, les signes cliniques sont encourageants, mais la mort, elle est assise à côté de moi. Je sais que la mort est là, comme une épée de Damoclès au-dessus de ma tête. Je ne veux pas nier sa présence et sa possibilité. Mais j’avoue que ça demeure encore très abstrait et ce n’est pas une chose à laquelle je pense souvent. J’imagine que ça s’explique par le fait que mon corps a bien répondu aux traitements dès le départ et que mon état n’a jamais cessé de s’améliorer. Si j’avais eu à faire face à des reculs ou à des échecs, j’imagine que mes pensées auraient plus souvent penché vers la mort. Est-ce que j’ai peur de mourir? Probablement. Sans doute. Mais je pense que j’ai encore plus peur de souffrir et d’avoir une qualité de vie médiocre ou pire. Je dois aussi avoir peur de la douleur de faire mes adieux et de constater la peine que mon décès occasionnerait chez les gens qui m’aiment. Ou si ce n’est pas une peur, c’est définitivement quelque chose que je n’ai pas envie de « subir ». Sinon, j’ai une autre réflexion, que je trouve égoïste et un peu débile, mais je me dis que lorsque je serai mort, je ne serai plus là pour le savoir, donc pourquoi m’en soucierais-je et en aurais-je peur? Bref, la mort comme telle, bleh, mais les moments difficiles qui la précèdent, ouin, ça j’ai peur ou, du moins, je les appréhende.


Je me dis aussi que le meilleur moyen de faire en sorte que ces éventuels moments difficiles pré-mort soient atténués, c’est par la baisse des regrets, dans le sens que si je profite davantage de la vie, que je vis plus d’expériences que je souhaite vivre d’ici à ce que je ne sois plus capable, j’aurai moins de regrets et ça pourra apaiser l’anxiété venant avec l’idée de la mort. Mieux profiter de tout ce que la vie nous offre, ça peut être un immense apprentissage!


On m’a demandé comment je décrirais les étapes de ma maladie jusqu’à maintenant, un peu à la manière des étapes du deuil. Parce que c’est vrai qu’en quelque part, je dois faire le deuil de mon ancienne vie, de mon ancien moi. Mais c’est très difficile comme question. On dirait que je suis trop dedans encore pour y répondre. Il y a sans doute du choc, du soulagement, de l’appréhension, de l’acceptation, de l’engagement et de l’espoir. C’est probablement pas complet, mais c’est ce qui me vient en tête présentement.


Du choc : je m’attendais pas à vivre ça.

Du soulagement : le diagnostic m’a permis de comprendre ben des affaires et c’était rassurant en quelque sorte.

De l’appréhension : comment les traitements vont se dérouler? Est-ce que je vais guérir? À quel point?

De l’acceptation : que je le veuille ou non, c’est mon état et ma situation en ce moment, ça donnerait rien de m’apitoyer sur mon sort, alors aussi bien l’accepter et faire ce qu’il faut pour m’en sortir.

De l’engagement : bon, go, on a un plan de traitement, on y va à fond, on fait tout ce que l’oncologue dit.

De l’espoir : les traitements fonctionnent tous bien, la maladie recule, la recherche médicale est encourageante.


Quelles seront les prochaines étapes? Je ne sais pas, mais je commence tranquillement ma nouvelle vie, avec mon nouveau moi transformé. J’apprends à vivre avec mon nouveau corps, je ne sais pas comment il réagira quand j’augmenterai encore plus le rythme, notamment avec le retour au travail (probablement en août, mais à confirmer), alors je devrai être à l’écoute de ces transformations physiques. Ça va occasionner un changement mental de vision aussi. J’ai toujours eu tendance à « faire avec » mes bobos, à retenir des besoins si j’étais déjà occupé, à mettre les autres en priorité plutôt que moi-même. Sans devenir complètement égoïste, je crois que je vais être moins conciliant, avoir moins envie d’accepter des compromis si ce n’est pas bon pour moi. Bref, je suis une autre version de moi-même, sans avoir changé énormément, et restant encore en constante évolution.


L’important, c’est que je vais beaucoup mieux après un an. L’important, c’est que je me sens toujours aussi bien entouré.


Pour le reste, on traversera ensemble la rivière quand on sera rendus au pont.


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